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Indigenous Arts & Stories - Renaître des cendres du Destin

Renaître des cendres du Destin

2015 - Writing Winner

Vous croyez surement que je ne suis qu’un étranger. Un simple conteur de légendes. Mais non; je vous assure du contraire. On s’est déjà rencontré, et ce à plusieurs reprises déjà.

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Élouise Roy-Molgat

l'Orignal, ON
Métis Huron, Algonquin et Micmac
Age 16

Author's Statement

Je suis née à l'Orignal, une petite communauté francophone de l'Est Ontarien. Je suis Métis de descendance Huronne, Algonquine et Mimac. Depuis toujours je vis ma fierté Métis et Franco-Ontarienne à fond. Je suis membre de la troupe de théâtre l'Écho d'un Peuple, qui raconte justement l'histoire des différentes communautés autochtones et le Métissage en Ontario Français. J'ai grandi entouré d'autres Métis fières qui m'ont beaucoup appris sur mes racines; entre autre le Voyageur Authentique Christian Pilon (de l'aventure Destination Nor'ouest diffusée) et très gentil couple Algonquin. Je fais aussi beaucoup d'activités de plein-aire tel l'équitation, la randonnée et du canoë-camping à l'ancienne. Cela me permet de me ressourcer et d'entrer en contact avec la nature et mes origines.

Le concours d'Arts & Récits Autochtones était pour moi une opportunité de faire de la recherche et d'en apprendre encore plus sur mes ancêtres. J'ai enfin décidé de pencher du côté de mes racines Huronnes. Le récit que je vous livre raconte les misères que notre peuple a traversées, et la façon dont celles-ci nous ont fait grandir. La thématique présentée ne s'applique pas seulement au peuple Huron/Ouendat, mais elle s'applique aussi à tous les peuples qui subissent ou qui ont subi des atrocités.

Ainsi j’offre mon récit à tous et à toutes; puisque vraiment, peut importe nos racines, nous sommes tous les mêmes, métissés de colorés de coeur. Je vous souhaite de faire bonne lecture et d'en ressortir grandi tout autant que mes personnages.

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Renaître des cendres du Destin

Vous croyez surement que je ne suis qu’un étranger. Un simple conteur de légendes. Mais non; je vous assure du contraire. On s’est déjà rencontré, et ce à plusieurs reprises déjà. C’est moi qui vous ai aidé à régler plusieurs évènements de votre vie. J’ai été votre guide depuis le début, et toujours pour votre mieux. Vous avez douté de moi, cela je le sais bien. Mais, laissez-moi d’abord vous raconter ma version des faits; votre perception risque fortement de changer.

 

***

 

Jadis, je survolai les environs de la Ouendake, et y croisai à nouveau une ancienne connaissance. Lui et moi s’étions rencontrés une dizaine d’années plus tôt, alors que des Iroquois enflammèrent un village Ouendat situé aux abords du lac Simcoe. Je m’assurai que l’enfant, prénommé Rowtag, en fut épargné. J’avais bien d’autres projets en tête pour combler son existence. Bien sûr, les autres membres de la tribu n’eurent pas droit à ce traitement de faveur. Rowtag se retrouva ainsi orphelin à bas âge. Dans les jours qui suivirent l’attaque, une tribu Ouendate avoisinante se rendit sur les lieux et trouvèrent l’enfant et le prirent sous leur tutelle.

 

Durant ces mêmes années, tout près de Saint-Ignace s’était établie une communauté de jésuites Français, portant le nom de Sainte-Marie-Au-Pays-Des-Hurons. Ils se donnèrent pour mission de propager le catholicisme auprès des Ouendats. C’est ainsi que Rowtag fit la connaissance du Père Jean de Brébeuf. Dépourvu de ses parents, la communauté devint pour l’enfant un semblant de deuxième famille. Il passait une grande majorité de son temps à Sainte-Marie avec les Pères jésuites qui faisaient son enseignement.

 

Revenons maintenant à notre histoire. Nous étions en 1649, alors que le printemps tirait à sa fin. Pour souligner l’arrivé de la saison chaude, une fête prit place au village Ouendat. Lorsqu’il fut temps pour Rowtag d’aller se coucher, je m’assurai qu’il passe par la maison longue où il entendit discuter le chef et d’autres membres plus âgés de la tribu.

- La situation devient inquiétante, dit un des hommes.

- Mes chers amis, il ne faut pas partir en panique. Ne faisons pas la guerre sans

raison, attendons qu’ils nous la fasse. Répondit sagement le chef.

 

Cette nuit la, je pénétrai les rêves de Rowtag; une voie par laquelle j’agis souvent. Comme  tous les soirs, il repassa en scène les évènements de la mort de ses parents. L’arrivée des Iroquois, l’attaque, puis l’incendie ravageant la totalité du village. Cette fois par contre,  de nouveaux évènements s’ajoutèrent au cauchemar. Il y avait des cailloux et du feu, beaucoup de feu. Puis, des cris et des pleurs perçants qui mirent fin à son terrible rêve. Rowtag se réveilla en sursaut, couvert de sueur. Il n’arrivait pas à comprendre la signification de ce qu’il venait de voir.  Bien sûr, des membres de sa tribu détenaient le don de prévoir l’avenir par l’entremise des visions. Rowtag refusait de croire que cela pouvait être son cas. Il se perçut qu’il ne s’agissait que d’un rêve totalement insignifiant.

 

Plus tard, notre jeune Ouendat alla chasser le castor. En se baladant aux abords de la rivière, il sentit une odeur de viande calcinée. Rowtag leva les yeux vers le ciel aperçu des nuages de fumée au loin. Curieux, le garçon décida de suivre ces longues trainées noires jusqu’à la source. Celles-ci le menèrent à un camp où les restes d’un feu étaient encore chauds et fumants. Il était clair que des nomades l’avaient habité jusqu’à tout récemment. Toujours, il examinait les lieux lorsqu’un cri brisa le silence. Il le reconnu immédiatement, ce n’était pas la premièrement fois qu’il  l’entendait. C’était le même que dans son rêve.

 

Rowtag fit rapidement demi-tour. Plus il s’approchait du village, d’autres cris et pleurs s’ajoutaient la cacophonie. Lorsque Rowtag arriva, Saint-Ignace était complètement dévasté. Les huttes et les maisons brulaient et des corps inanimés couvraient le sol. Rowtag s’effondra sous le poids de la douleur qu’il ressentait. Les scènes du massacre de sa famille se reproduisaient à nouveau. Les attaquants ne pouvaient être nul autre que des Iroquois. Tout concordait. Le camp nomade trouvé à la rivière était en fait celui d’Iroquois qui préparaient leur coup. Voilà aussi de quoi parlaient les supérieurs la veille. Ce qu’il craignait le plus s’était produit. Le massacre dont il rêva depuis des lunes n’était pas celui de sa famille, il s’agissait en fait de l’avenir de la tribu.  Si la vision était vraie, alors la suite était davantage inquiétante. Rowtag se rappela des scènes de feux et les cailloux qu’il avait vus dans son rêve.

 

Soudain, le garçon vit des hommes de l’autre côté de la clairière. C’était eux, les assassins qui avaient détruit encore une fois tout ce que détenait Rowtag. Le jeune Ouendat se réfugia dans la forêt. Il observait de loin les Iroquois lorsqu’il entendit quelque chose s’agiter dans les arbres, juste au-dessus de lui. S’agissait-il d’une bête, ou bien… N’osant même pas imaginer ce scénario, son instinct de chasseur prit le dessus. Il s’apprêtait à atteindre sa cible quand tout d’un coup un visage familier ressortit du feuillage. C’était Sahale, un ami de Rowtag. Il fit signe à Rowtag de rester silencieux alors qu’il descendait de l’arbre sur lequel il était perché, puis tous deux s'éloignèrent plus profondément dans la forêt. Lorsqu’ils furent assez loin des Iroquois, Sahale raconta à Rowtag tout ce qui s’était passé. Pour sa part, Rowtag décrivit à son ami ses visions.

- Pourquoi crois-tu que les Iroquois sont encore là?

- Je ne sais pas, mais si je me fie à mes rêves, quelque chose de bien pire est sur le

point de se produire.

- J’ai vraiment peur, Rowtag.

- Je sais Sahale. Retournons observer les Iroquois. Nous déciderons, par la suite,

ce que nous ferons.

 

Les deux garçons retournèrent à leur point d’observation. Il y avait beaucoup d’activité du côté des Iroquois. Un grand feu avait été allumé au centre du village et tous s’écriaient sauvagement. Rowtag et Sahale ne comprenaient pas ce qui se passait, jusqu’à l’arrivée d’un homme que tout deux connaissaient.  Il s’agissait de leur cher Père Brébeuf. Des Iroquois le trainèrent vers le feu, alors que d’autres lui lancèrent férocement des cailloux.

- Silence! cria un homme qui semblait être le chef.

Tous se turent et l’écoutèrent avec respect.

- Comme vous le savez, les blancs sont une menace pour notre peuple. Ce sont des voleurs et des imposteurs. Ils ont volé nos castors, et maintenant ils s’approprient nos terres. Dès demain, nous les exterminerons tous; les blancs et les Ouendates avec qui ils sont alliés. Allez-y maintenant, il est à vous! Je vous accorde le droit de le tuer.

L’affolement reprit. Ils attachèrent le Père fut attaché à un poteau de torture, puis lui versèrent de l’eau bouillante sur la tête, en guise de moquerie pour les traditions du baptême. Puis, ils le brulèrent.

 

Les deux garçons perchés au haut de leur arbre étaient complètement dépassés par ce dont ils venaient d’être témoins. Ils n’arrivaient pas comprendre comment on avait pu faire subir un tel traitement à un homme si bon! Tout deux s’empressèrent d’alerter le reste des membres de la communauté de Sainte-Marie du danger qui les attendait.

Ils discutèrent longuement avec le Père Paul, qui avait prit en charge la mission suite à la mort de Jean de Brébeuf.  Le lendemain matin, ils plièrent tous leurs affaires. Ils se dépêchaient de quitter leur domaine avant l’arrivée des Iroquois. Juste avant de partir, ils mirent le feu à la Sainte-Marie. Ils préféraient tous voir la mission bruler qu’entre les mains des Iroquois.

 

En s’éloignant, Rowtag jeta un dernier regard sur Sainte-Marie, ce lieu qu’il aimait tant. En voyant les flammes qui détruisaient encore une fois une sa vie, il s’interrogea sur mon existence. Son prénom, Rowtag, signifiait « feu » en Ouendat. Depuis toujours des feux avaient fait des ravages dans sa vie. Il compris alors qu’il s’agissait pas d’une coïncidence. J’étais l’auteur de tout cela, moi, le Destin.

 

***

 

Voilà comment je me plus à dessiner le chemin de Rowtag ainsi que celui de l’ensemble des communautés Ouendates. C’est au travers des misères qu’est née une nation forte; tel le sol fertile et riche en nutriments qui résulte d’un incendie. Grâce à moi, aujourd’hui vous êtes encore là, plus fort et unis que jamais. Je vous l’ai dit, cher ami, je ne fais rien pour rien.

 

 

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